En pensant à ma vocation et à ma vie au Carmel, deux paroles me viennent à l’esprit. La première est le cri de Jérémie : « Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire ». C’est vrai que le Seigneur m’a séduite, toute petite. Sa présence et son amitié ont illuminé mon enfance, pendant la guerre, au sein d’une famille nombreuse… Très tôt j’ai découvert en Jésus un amour au-delà de tout amour, manifesté sur la CROIX, et qui me parlait plus fort que tout autre attrait et que tout autre amour. Et pourtant tant de choses me passionnaient, les études, les rencontres, de grandes amitiés… Mais l’amour et la beauté de Jésus est sans comparaison et sans proportion. Je lui rends grâce aujourd’hui, après plus de cinquante ans, de m'avoir appelée au Carmel, même au prix d'un grand arrachement. Il ne m’a jamais déçue, même s’il a fallu traverser bien des combats et des peines. Le visage de mes sœurs a été le visage de son amitié, dans la proximité chaleureuse et la recherche de l'Unique, vécue au quotidien dans la louange, l'intercession et le service. La seconde parole, je l’emprunte à Edith Stein, évoquant sa vocation de carmélite : « Devant Dieu pour tous ». C’est vrai, nous n’avons pas de travaux apostoliques, et même si j’ai eu bien des contacts pendant toutes ces années, je savais bien que mon service apostolique n’était pas dans mes pauvres paroles, mais dans ce service de la présence devant Dieu, humble, souvent difficile, et pourtant tenace et confiante. Laisser creuser en moi la pauvreté, pour porter dans mon cœur tous les pauvres du monde, les blessures et les espérances de l’Eglise, les joies et les douleurs des hommes. Maintenant tout mon désir est de me laisser convertir toujours davantage, pour être simplement une servante, avec Marie.